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Le texte européen sur la restauration de la nature validé de justesse

La loi sur la restauration de la nature a été adoptée par le Parlement européen le 27 février 2024.

Le Parlement européen a voté de justesse la législation sur la restauration de la nature, malgré la farouche opposition de la droite et des organisations agricoles.

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À une quinzaine de voix près (329 pour, 275 contre, 24 abstentions), les eurodéputés réunis à Strasbourg ont validé ce mardi 27 février 2024 l’accord trouvé à la mi-novembre entre les négociateurs du Parlement européen et des États membres sur la législation imposant la restauration des écosystèmes abîmés, un texte clé du « pacte vert » visant à enrayer le déclin de la biodiversité.

Restauration des écosystèmes sur 20 % des terres et espaces marins

Cette législation, qui entrera en vigueur après confirmation officielle des États, impose pour la première fois aux Vingt-Sept d’instaurer d’ici à 2030 des mesures de rétablissement des écosystèmes sur 20 % des terres et des espaces marins à l’échelle de l’Union européenne (UE), fixant des plans d’action nationaux.

Des habitats spécifiques sont listés : zones humides, forêts, rivières, prairies sous-marines, etc. Chaque État devra restaurer d’ici à 2030 au moins 30 % de ces habitats en mauvais état, priorité étant donnée aux zones Natura 2000. Le texte poursuit également d’autres objectifs comme l’amélioration de critères mesurant la santé des forêts, le retrait d’obstacles sur les cours d’eau, et l’arrêt du déclin des abeilles.

Négociations et vote incertain

Le résultat du vote était très incertain. Le Parti populaire européen (PPE, droite), le premier groupe au Parlement, avait appelé à voter contre cette législation, dénonçant le « fardeau » imposé aux agriculteurs, et l’extrême droite avait déposé des amendements de rejet. À trois mois des élections européennes, les élus conservateurs ont réaffirmé leur défiance vis-à-vis du « pacte vert », un vaste ensemble de réglementations environnementales vouées aux gémonies dans les manifestations agricoles.

Au cours d’une bataille épique au Parlement européen l’été dernier, le PPE s’était efforcé de radicalement affaiblir la portée du texte après avoir vainement réclamé son abandon pur et simple. Sous pression, le Parlement avait largement vidé le projet législatif de sa substance en adoptant en juillet son mandat de négociation.

Les conservateurs avaient fustigé la mention d’un objectif, pourtant simplement indicatif, d’extension de zones « à haute diversité » (haies, étangs, vergers, etc.) sur 10 % des terres agricoles à l’échelle de l’Union européenne, qui a finalement été supprimée.

Un frein d’urgence en cas de circonstances « exceptionnelles »

Surtout, le Parlement avait éliminé l’article ciblant les terres agricoles. Certes, celui-ci a ensuite été réintroduit pendant les pourparlers avec les États mais sous une forme très édulcorée. « Nous pensons toujours qu’il s’agit d’une loi mal rédigée. […] On met en place des règles bureaucratiques supplémentaires pour nos agriculteurs » au moment où la production alimentaire est sous pression, a déclaré mardi l’Allemand Manfred Weber, le président du groupe PPE.

L’accord final prévoit certes qu’au moins 30 % des tourbières drainées utilisées dans l’agriculture soient restaurées d’ici à 2030 mais avec des flexibilités possibles et des remises en eau facultatives pour les agriculteurs.

Un « frein d’urgence » a été introduit pour que Bruxelles puisse suspendre l’application du texte en cas de circonstances « exceptionnelles » comme un impact « grave » sur la production agroalimentaire. Cela n’a pas suffi à rassurer le Copa-Cogeca, la puissante organisation des syndicats agricoles majoritaires européens, qui a combattu jusqu’au bout des dispositions jugées « irréalistes et non financées ».

« Le problème, ce ne sont pas les lois climatiques, c’est l’état de la nature et le changement climatique », a répliqué l’eurodéputé socialiste César Luena, le rapporteur du texte.

Les écologistes et les ONG se disent « soulagées »

« Alors que partout la nature régresse, cette loi permettra de faire redémarrer les écosystèmes là où c’est nécessaire », avec des « souplesses » pour « ne pas mettre la nature sous cloche », a salué Pascal Canfin (Renew, libéraux), le président de la commission parlementaire de l'environnement.

Si « une partie de la droite tente de polariser », un certain nombre d’élus du PPE ont « su résister à l’alliance avec le populisme anti-écologique de l’extrême droite, aux multiples attaques trompeuses sur ce texte », a cependant souligné Pascal Canfin.

« Prétextant des excès administratifs, les droites européennes s’allient depuis des mois pour affaiblir ou faire tomber les textes du pacte vert », affirme l’écologiste Marie Toussaint, qui s’est félicitée mardi d'« une victoire pour le vivant ».

Les ONG environnementales BirdLife, ClientEarth, EEB (Bureau européen de l’environnement) et WWF se sont dites « soulagées que les eurodéputés aient écouté la science sans céder au populisme ». C’est « une victoire douce-amère pour la nature et nos systèmes alimentaires : la législation a été gravement affaiblie, au risque de l’arythmie cardiaque, mais au moins son cœur bat encore », estime Sini Eräjää, de Greenpeace.

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